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« L’industrie éolienne européenne est en bonne voie pour se crasher. » (factuel.media)

Le 22 juin, l’annonce de Siemens Energy de graves difficultés liées au vieillissement des composants nécessaires à la fabrication de ses turbines d’éoliennes a fait l’effet d’une véritable bombe affolant la finance internationale. En une journée, l’action du deuxième fabricant mondial d’éoliennes a chuté de 37% à la Bourse de Francfort, soit une perte de valeur de 8 milliards d’euros.

Deux semaines plus tard, essayant d’éteindre l’incendie, le conseil d’administration du fabricant a annoncé avoir créé un groupe de travail chargé d’établir l’étendue des problèmes. En réalité, ces difficultés sont les premiers signes annonciateurs d’un tsunami, qui pourrait emporter dans son sillage toute la filière mondiale des fabricants d’éoliennes. Car, au-delà de cette annonce, qui constitue en elle-même un choc systémique, plusieurs raisons expliquent pourquoi la filière éolienne est très proches de la déflagration.

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De graves difficultés liées aux vieillissements des éoliennes qui prennent feu

La première annonce de Siemens Energy en juin n’est que l’arbre qui cache la forêt. Les informations, jusque-là parcellaires, du fabricant consistaient à évoquer qu’il allait falloir vérifier et contrôler un certain nombre de turbines d’éoliennes, dont les composants avaient vieilli un peu trop rapidement. Le coût estimé des travaux à entreprendre était évalué entre 1 et 1,5 milliards d’euros. La réalité est que les éoliennes installées de plus en plus vite – avec une baisse de la qualité – ont des composants qui vieillissent de plus en plus rapidement. Concrètement, cette obsolescence conduit à des incendies spontanés de turbines d’éoliennes, avec les conséquences environnementales que l’on sait. 

Un article publié sur le site Must Read Alaska est venu souligner l’enjeu des feux d’éoliennes, qui se multiplient dans le monde en liaison avec le vieillissement des composants. C’est un article de la filière éolienne Wind System qui dévoile l’importance des feux d’éoliennes, variant entre 1 pour 2.000 et 1 pour 15.000. D’après l’étude, le coût d’un incendie d’éolienne représente environ 8 millions d’euros pour la compagnie d’assurance. C’est là où le bât blesse, dans la mesure où les compagnies d’assurance rechignent à payer pour des défauts de conception et exigent une meilleure qualité. Les fabricants comme Siemens Energy se trouvent donc actuellement sous la pression des compagnies d’assurance sur le sujet. Si la question des incendies d’éoliennes semble parfaitement minimisée par la filière éolienne, Guillermo Rein de l’Imperial College de Londres avait publié en 2014 une étude qui soulignait que les incendies étaient la principale cause de défaillance des éoliennes. Interrogé par le Financial Time lors de la sortie de son étude il précisait :

« Environ un incendie d’éolienne par mois est signalé publiquement dans le monde, mais ce n’est « que la pointe de l’iceberg », […] le nombre réel d’incendies pourrait être 10 fois supérieur. »

Alors que Siemens Energy a fixé à 30% de sa flotte le pourcentage d’éoliennes concernées par les problèmes de vieillissements des composants, la banque UBS a, de son côté, évalué, dans le pire des cas, à 5 milliards d’euros les frais liés aux remises à niveau des éoliennes déjà installées, soit 5 fois plus que le montant annoncé par Siemens Energy. D’ailleurs, Christian Brush, le président de Siemens Energy, a lui-même déclaré à la presse fin juin : « Les problèmes de nos éoliennes sont pires que tout ce qu’on aurait pu imaginer ».

Des pertes financières considérables depuis 4 ans

Cette annonce intervient dans un contexte particulièrement difficile pour les 4 principaux fabricants d’éoliennes au monde. En effet, un article de Reuters du 7 juillet a alerté sur la santé financière particulièrement dégradée des 4 principaux fabricants d’éoliennes Vestas, Siemens Energy, Nordex et General Electric. Car, si le carnet de commande de ces 4 fabricants est florissant, avec une augmentation de 36% des ventes depuis 2018 ; ces derniers perdent en revanche énormément d’argent, ayant essuyé des pertes de plus en plus importantes en 2022 et des perspectives très mauvaises en 2023.

Le magazine évalue un total cumulé à 9 milliards d’euros les pertes subies par ces fabricants depuis 2018. Le premier fabricant, Vestas, ayant perdu 1,5 milliard d’euros rien qu’en 2022, Siemens presque 1 milliard d’euros et Général Electric 2 milliards d’euros. Et les nouvelles ne sont pas réjouissantes pour les résultats 2023. Indépendamment des annonces sur la qualité de ses éoliennes, Siemens Energy avait déjà annoncé que les pertes 2023 pourraient être pires que celle de 2022.

 Notes : Profits in millions of euros
Notes : Profits in millions of euros COMPANY RECORDS

D’après les analystes, ces pertes sont principalement dûes à l’explosion des coûts de production, en raison de l’inflation des matières premières et de la facture énergétique. Cette situation, qui n’est pas limitée à Siemens Energy, est en train de fragiliser l’ensemble du secteur industriel éolien.

Un avenir très sombre avec la fin des exportations des aimants permanents venants de Chine

Mais ce qui pourrait être le coup de grâce pour la filière industrielle éolienne pourrait venir de Chine. En effet, les enjeux géopolitiques liés aux approvisionnements en terres rares ou en aimants permanents venant d’Asie vont entraîner des conséquences telluriques. En effet, les éoliennes consomment – selon le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) – environ 10% des terres rares produites dans le monde. Le BRGM évalue que ce pourcentage va augmenter dans les 10 prochaines années.

Évolutions des secteurs d'utilisation des aimants permanents ND-FE-B entre 2019 et 2030
Évolutions des secteurs d’utilisation des aimants permanents ND-FE-B entre 2019 et 2030 BRGM, D’APRÈS ROSKILL, ADAMAS INTELLIGENCE

Or, pour l’essentiel, les terres rares utilisées dans les éoliennes pour les aimants permanents viennent de la Chine, qui a décidé d’en limiter drastiquement les exportations. Une étude de la société Rystad pour WindEurope avait récemment alerté la filière en expliquant qu’une pénurie de tours d’éoliennes offshore allait toucher l’Europe d’ici la fin de la décennie (10). La situation pourrait être plus rapide et pire qu’envisagée dans ce rapport.

Cette situation va compliquer considérablement la chaine d’approvisionnement des fabricants d’éoliennes qui pourraient se trouver sans matière première pour les construire malgré les pressions politiques allemandes pour les multiplier. Cette manœuvre permettrait à la Chine d’accaparer le marché des éoliennes comme elle l’a fait pour le marché des panneaux solaires. La situation des fabricants d’éoliennes devient donc en Occident particulièrement critique et devrait aboutir dans les prochaines semaines ou prochains mois à un réajustement boursier brutal de leurs actions. Il est surprenant que les analystes financiers n’aient pas encore intégré cette situation particulièrement dégradée dans leurs recommandations d’achat ou de vente des actions de ces entreprises vouées in fine à disparaitre. Compte tenu de cette multiplication d’ennuis, de son propre aveux la filière éolienne européenne devait déclarer lors de la rencontre de Wind Europe en avril 2023 :

« L’industrie éolienne européenne est en bonne voie pour se crasher. » 

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